LA VIOLENCE NAZIE by TRAVERSO ENZO

LA VIOLENCE NAZIE by TRAVERSO ENZO

Auteur:TRAVERSO ENZO
La langue: fra
Format: mobi
Éditeur: La Fabrique
Publié: 2015-03-14T16:00:00+00:00


IV. Classer et réprimer

« Judéo-bolchevisme »

« En tant que porteurs du bolchevisme et guides spirituels (geistigen Führer) de l’idée communiste, les juifs sont notre ennemi mortel. Il faut les anéantir (Sie sind zu vernichten)1. » Cette directive, diffusée parmi les soldats de la Wehrmacht à Minsk le 19 octobre 1941, pendant l’avancée allemande en Union soviétique, utilisait une formule qui fut littéralement martelée, tout au long de la guerre, par la propagande nazie. On pourrait multiplier les citations de ces ordres qui exaltaient la guerre contre le « judéo-bolchevisme » comme « une lutte pour l’existence (Daseinkampf) du peuple allemand » et comme une « défense de la culture européenne contre l’inondation (Überschwemmung) asiatique et moscovite »2. Hitler employait exactement le même langage dans ses conversations privées. En 1941, il justifiait la guerre sur le front oriental par la nécessité d’extirper le « foyer de peste (Pestherd) » représenté par les juifs, seule condition à ses yeux pour rétablir l’unité de l’Europe3.

Le mythe du « judéo-bolchevisme » avait connu une large diffusion au lendemain de la Première Guerre mondiale, lorsqu’il devint le slogan de la répression anti-spartakiste en Allemagne, de la terreur blanche en Hongrie et de la contre-révolution russe. La vision du bolchevisme comme une sorte de « virus », comme une maladie contagieuse dont les bacilles seraient les révolutionnaires juifs d’Europe centrale et orientale, déracinés, cosmopolites, cachés dans les métropoles anonymes du monde industriel moderne, ennemis de l’idée même de nation et de l’ordre traditionnel, était un lieu commun de la culture conservatrice. Le spectre du « judéo-bolchevisme » hantait les cauchemars des élites dominantes, tant libérales que nationalistes, confrontées aux soulèvements révolutionnaires des années 1917-1921. En Russie, la terreur blanche se proposait de « neutraliser le microbe juif » et lançait contre le « judéo-bolchevisme » une campagne dont la violence préfigurait, selon l’historien Peter Kenz, la propagande nazie durant la Seconde Guerre mondiale4. La présence juive derrière le communisme russe était dénoncée avec force, à Rome, par La civiltà cattolica5, ainsi que par la presse de la droite française. Se référant à « l’effroyable vermine des juifs d’Orient » qui avait infesté plusieurs arrondissements parisiens, Charles Maurras écrivait en 1920 dans L’Action française qu’ils apportaient « les poux, la peste, le typhus, en attendant la révolution6 ».

Les manifestations de ce mythe dans la littérature et dans la propagande de l’époque sont nombreuses, y compris chez des figures et des institutions qui compteront, deux décennies plus tard, parmi les adversaires irréductibles du régime nazi. C’est alors que les Protocoles des Sages de Sion, élaborés à Paris vers la fin du XIXe siècle par des responsables de la police secrète tsariste, deviennent un best-seller international7. En Angleterre, puissance qui, à la différence des pays d’Europe centrale, restera à l’abri de la vague révolutionnaire, l’historienne Nesta Webster s’interrogeait sur les causes de la révolution mondiale, qu’elle expliquait par l’existence d’une « conspiration juive » visant à renverser la civilisation8. En mai 1920, le Times de Londres publiait un article



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